KOOIJMAN (La
ménagerie de verre)
Conception et interprétation : Theodoor Kooijman
© Marc Domage
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Theo Kooijman, peintre et graveur de son état, « fait
face à une pile de négatifs de lui-même avec l’espoir de trouver du
positif. »
À son entrée sous la verrière du studio Wigman de La ménagerie de verre, il explique
l’origine de ce qui, avec le temps, est bel et bien devenu une frénétique
collection.
Il y a trente ans, répondant à une commande en autoportrait, il a
commencé à se prendre en photo.
Oui, mais en noir et blanc, et en négatif uniquement.
Oui, mais en noir et blanc, et en négatif uniquement.
Et (personne ne lui ayant demandé de s’arrêter) voilà trente ans qu’il continue
à se prendre en photo et à conserver sur celluloïd lesdits négatifs. Ce n’est
même plus du travail, confie-t-il, c’est devenu une « habitude ». – On
cernera un peu, à le voir évoluer une heure, le léger sacerdoce, l’expéditive épreuve que constitue pour lui
l’auto-effigie photographique.
Changeant complètement de vêtements à quelques minutes d’intervalles et prenant une nouvelle photo en variant positions et dispositions, Theo Kooijman est en perpétuelle évolution.
Il raconte les difficultés successives qu’il a rencontrées en ce qui concerne le classement des négatifs qui s’amassent au fil des ans, rendant toujours plus urgente la question d’un certain ordre à y instaurer. Songeant tout d’abord les ranger tout simplement par ordre chronologique, il fit face au problème de la datation de chaque cliché (tâche d’autant plus ardue s’il change constamment de tenue). Il dit avoir un temps pensé à un classement thématique, mais de tels regroupements auraient par trop estompé sa volonté d’évolution, de césure elliptique et de changement complet entre deux photographies. Quant à un tri subjectif, purement esthétique et artistique, cela ne l’a pas convaincu non-plus…
Non, vraiment, et il s’excuse car cela n’était pas prévu, Theo Kooijman a finalement décidé de détruire tous ces négatifs sous nos yeux.
Il va donc les brûler, planche par planche, sur un petit réchaud qu’il apporte et branche au courant. La chose n’étant pas prévue, il rappelle au public la présence de trois portes d’évacuation, au cas où, et prend soin d’ouvrir une fenêtre de la verrière.
Le public est pris entre l’hilarité et une certaine gêne. Quelqu’un demande : « Mais vous n’en voulez plus, de vos négatifs ? » Il est suffisamment rare que le public soit amené à intervenir spontanément pour le noter, presque autant qu’il est peu répandu de détruire au bout de vingt minutes ce qui a fait l’objet de toute la communication autour de cette performance. Sommes-nous venus assister à un sacrifice ? Kooijman semble bien vouloir en finir avec cette collection, comme il se débarrasserait d’un sort, non pas maléfique quoique négatif, mais qui, surtout, le submerge toujours davantage.
De plus, le fait qu’il s’agisse d’autoportraits arroserait pour sûr l’autodafé d’une huile existentielle.
La plaque tarde à chauffer… Penché au-dessus et silencieux, ses yeux s’attardent sur une première planche de négatifs, qu’il finit par déposer à part. Puis une autre retient son attention, et encore une autre. Ce sont bientôt plusieurs dizaines de planches qu’il laisse tomber au sol : il ne peut s’en défaire. Il sort de sa poche un mouchoir avec lequel il tente de sécher des larmes qui couleront tout de même s’évaporer sur la plaque chauffante (le mouchoir était probablement imbibé d’eau au préalable).
Il a changé d’avis, et décide de nous montrer plusieurs de ses clichés qu’il projette au mur.
Changeant complètement de vêtements à quelques minutes d’intervalles et prenant une nouvelle photo en variant positions et dispositions, Theo Kooijman est en perpétuelle évolution.
Il raconte les difficultés successives qu’il a rencontrées en ce qui concerne le classement des négatifs qui s’amassent au fil des ans, rendant toujours plus urgente la question d’un certain ordre à y instaurer. Songeant tout d’abord les ranger tout simplement par ordre chronologique, il fit face au problème de la datation de chaque cliché (tâche d’autant plus ardue s’il change constamment de tenue). Il dit avoir un temps pensé à un classement thématique, mais de tels regroupements auraient par trop estompé sa volonté d’évolution, de césure elliptique et de changement complet entre deux photographies. Quant à un tri subjectif, purement esthétique et artistique, cela ne l’a pas convaincu non-plus…
Non, vraiment, et il s’excuse car cela n’était pas prévu, Theo Kooijman a finalement décidé de détruire tous ces négatifs sous nos yeux.
Il va donc les brûler, planche par planche, sur un petit réchaud qu’il apporte et branche au courant. La chose n’étant pas prévue, il rappelle au public la présence de trois portes d’évacuation, au cas où, et prend soin d’ouvrir une fenêtre de la verrière.
Le public est pris entre l’hilarité et une certaine gêne. Quelqu’un demande : « Mais vous n’en voulez plus, de vos négatifs ? » Il est suffisamment rare que le public soit amené à intervenir spontanément pour le noter, presque autant qu’il est peu répandu de détruire au bout de vingt minutes ce qui a fait l’objet de toute la communication autour de cette performance. Sommes-nous venus assister à un sacrifice ? Kooijman semble bien vouloir en finir avec cette collection, comme il se débarrasserait d’un sort, non pas maléfique quoique négatif, mais qui, surtout, le submerge toujours davantage.
De plus, le fait qu’il s’agisse d’autoportraits arroserait pour sûr l’autodafé d’une huile existentielle.
La plaque tarde à chauffer… Penché au-dessus et silencieux, ses yeux s’attardent sur une première planche de négatifs, qu’il finit par déposer à part. Puis une autre retient son attention, et encore une autre. Ce sont bientôt plusieurs dizaines de planches qu’il laisse tomber au sol : il ne peut s’en défaire. Il sort de sa poche un mouchoir avec lequel il tente de sécher des larmes qui couleront tout de même s’évaporer sur la plaque chauffante (le mouchoir était probablement imbibé d’eau au préalable).
Il a changé d’avis, et décide de nous montrer plusieurs de ses clichés qu’il projette au mur.
© Theodoor Kooijman
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Pendant son explication d’une de ces projections, il change
encore de tenue, et alors ce que l’on croit être jusqu’à présent un manège
hasardeux, revêt une part de son sens : il s’est habillé exactement de la
façon dont il est habillé sur la photographie suivante à laquelle il passe et
où il apparait assis, jambes croisées, un pied sur le genou opposé, un coude
appuyé sur ce pied, la tête penchée sur son poing fermé. Théoriquement, nous
dit-il, s’il prend exactement la même position à la même place et ainsi superpose
son image réelle, donc positive, à la projection en négatif… il disparaîtra.
Aussi peu de peur que de mal sur cette démonstration tautologique.
Sur un des négatifs projetés, on le distingue à peine, couché qu’il est sur un amas de draps, si bien qu’il doit montrer au public le contour de sa silhouette, perdue dans les échelles de gris et les drapés avec laquelle elle semble fusionner. Ses négatifs suscitent en tout cas chez l’artiste l’évocation, entre autres, de son atelier de peintre, de sa famille, de sa ville natale de Rotterdam et ses ressortissants « célèbres » (dont je ne connaissais, pour ma part, qu’Erasme…).
Par ces surgissements tantôt profonds, tantôt farfelus, et le sentiment d’ensemble au sortir de la représentation, ses négatifs suscitent donc bien une certaine forme de positif.
Aussi peu de peur que de mal sur cette démonstration tautologique.
Sur un des négatifs projetés, on le distingue à peine, couché qu’il est sur un amas de draps, si bien qu’il doit montrer au public le contour de sa silhouette, perdue dans les échelles de gris et les drapés avec laquelle elle semble fusionner. Ses négatifs suscitent en tout cas chez l’artiste l’évocation, entre autres, de son atelier de peintre, de sa famille, de sa ville natale de Rotterdam et ses ressortissants « célèbres » (dont je ne connaissais, pour ma part, qu’Erasme…).
Par ces surgissements tantôt profonds, tantôt farfelus, et le sentiment d’ensemble au sortir de la représentation, ses négatifs suscitent donc bien une certaine forme de positif.
Par sa singularité et l’alternative artistique qu’elle
présente, la performance s’insère en tout cas très bien au sein de la
programmation du festival Etrange Cargo
de La ménagerie de verre et de
sa ligne éditoriale : Une approche
transdisciplinaire du spectacle théâtral.
***
Accompagnement administratif : compagnie Martine Pisani
Remerciements à Kees Kooijman et Mark Thompkins
Remerciements à Kees Kooijman et Mark Thompkins
Theodoor Kooijman vit et travaille à Paris depuis 1991.
Peintre et graveur de formation, diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts de Kampen (Pays-Bas), il expose régulièrement ses peintures et gravures en Belgique, aux Pays-Bas et en France, souvent dans des lieux particuliers.
Il danse dans les spectacles de Martine Pisani depuis 1995. Parallèlement, il travaille avec la compagnie Louma dirigée par Alain Michard et participe aux performances de tango argentin conçues par Nathalie Clouet.
Peintre et graveur de formation, diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts de Kampen (Pays-Bas), il expose régulièrement ses peintures et gravures en Belgique, aux Pays-Bas et en France, souvent dans des lieux particuliers.
Il danse dans les spectacles de Martine Pisani depuis 1995. Parallèlement, il travaille avec la compagnie Louma dirigée par Alain Michard et participe aux performances de tango argentin conçues par Nathalie Clouet.
Cette performance a été présentée pour la première fois à
Paris en mars 2008 à Lelabo dans le cadre de « Feuilleton pour un artiste n°6 : Alain Michard »,
et à Marseille en octobre 2008 dans le cadre du festival actOral/Marseille
Objectif Danse.