lundi 29 septembre 2014

OBLOMOV

au Théâtre André Malraux (Rueil Malmaison)

                                                                          de Ivan Alexandrovitch Gontcharov
Par l'Atelier Théâtre Actuel et la Comédie Française
Adaptation et mise-en-scène de Volodia Serre
Traduction d’André Markowicz

Collaboratrice artistique, Pamela Ravassard
Scénographie de Marc Lainé

Vidéo de Thomas Rathier
Costumes de Hanna Sjödin
Lumières de Kévin Briard
Réalisation sonore de Frédéric Minière
Maquillages de Faustine-Léa Violleau
 

avec
Yves Gasc : Zakhar Trofimovitch
Coraly Zahonero : Agafia Matveïevna
Guillaume Gallienne : Ilia Ilich Oblomov
Nicolas Lormeau : Ivan Alexeïevitch Alexeïev
Sébastien Pouderoux : Andreï Ivanovitch Stolz
et
Raphaèle Bouchard : Olga Sergueïevna Ilinska

 

L’ Oblovisme est un solipsisme


Ilia Ilich Oblomov (du russe « oblom » : cassure) est un stakhanoviste de la paresse, fataliste et oublieux, dont le but premier semble vouloir être la fusion totale avec son divan, et l’étreinte la plus parfaite de sa robe de chambre. 
Faux hypocondriaque, son humeur peut varier brusquement d’une irascibilité naturelle à la faiblesse extrême, feinte dans le but d’apitoyer sur son sort, notamment vis-à-vis de son domestique, Zakhar Trofimovitch, un homme simple écartelé entre les désidératas capricieux de son maître. Ambigüité classique de leur relation maître-domestique : la question de savoir qui domine réellement, qui a besoin de l’autre…

© Brigitte Enguérand / collection de la Comédie Française

Oblomov nous dévoile déjà, dans son rapport avec Zakhar, un peu du complexe d’infériorité et de supériorité qu’il développe par ailleurs. Supériorité qu’il se sent avoir par rapport aux « autres », auxquels il ne supporte d’être comparé, obligés qu’ils sont de travailler, comme Ivan Alexeïev, dont Oblomov partageait la tâche quelques années auparavant, et qu’il méprise ostensiblement depuis.
Infériorité vis-à-vis de son ami Andrey Stolz, dont il partageait pourtant les aspirations, étant jeune : désormais, sa réussite dans les affaires, ses voyages incessants et le fait qu’il côtoie le grand monde font rêver Oblomov autant qu’il en est paralysé.

Ilia tire les rideaux, et se recouche de plus belle. Il fait tourner un disque où flotte la version instrumentale de l’aria Casta Diva, ainsi qu’une petite veilleuse dont la lueur virevolte sur les murs de sa chambre, lueur dans laquelle, progressivement, apparaissent des images de souvenirs anciens, de figures et de rêves. Les projections audiovisuelles ainsi employées, à plusieurs reprises, sont du plus bel effet, et donnent comme un cadre onirique et psychique à la torpeur du personnage.

Oblomov se rassure, prétendant songer au bien commun durant ce qui semble en effet un sommeil.
Menacé d’expulsion par le propriétaire du vétuste appartement qu’il occupe à Saint-Petersburg, de faillite par le gérant du domaine familial, Oblomovka, où il ne met plus les pieds tout en y fantasmant son retour… Autant d’éléments perturbateurs semblant contraindre Oblomov à prendre une décision. Mais son cerveau malade lui trouve tous les subterfuges de l’inaction et ne veut écouter les conseils, certes très terre-à-terre, d’Ivan Alexeïev. « Si seulement Stolz était là… Lui trouverait une solution à mes problèmes… Lui, c’est un homme… »
 
© Brigitte Enguérand / collection de la Comédie Française

Mais quand celui-ci arrive, Oblomov déchante : Stolz n'est pas tant venu régler les tourments de son ami que tenter de le secouer et le sortir enfin de cette léthargie qu’il nomme d’ailleurs « oblomovisme ». Avant que de l’emmener avec lui pour Paris, il le confie à Olga Sergueïevna Ilinska, chanteuse d’opéra, le temps pour Oblomov d’obtenir un passeport. Oblomov — à peine a-t-il entendu Olga chanter Casta Diva — s’en éprend très vite.
Ces sentiments parviendront à le relever, mais pour combien de temps? Le temps qu’un nouveau fatalisme ne soit fomenté par son esprit sinueux : la peur consciente de l’abandon, et celle, inconsciente, de se lasser, comme il s’est lassé auparavant des livres, de la société et de la vie.
Oblomov réfléchit trop aux obstacles à venir, mais pas assez pour voir que ceux-ci ne sont, pour l’instant, que le fruit de son imagination peureuse et pessimiste.

Une analepse nous situe brièvement l’enfance gâtée d’Ilia, choyé et encadré par une mère qu’il suivait partout, notamment en promenades, et qui décidait de tout…

Ayant fui Olga et ses sentiments à son égard, Oblomov finit par trouver la tranquillité qu’il recherchait — et la « fosse » que Stolz craignait — à la campagne, chez la soeur d’Ivan Alexeïev, veuve de son état mais excellente maîtresse de maison.
Il finira sur son divan, entouré d’un silence médiocre où il n’y a « plus rien à raconter »…

© D.R. Théâtre André Malraux

L’adaptation et la mise-en-scène de Volodia Serre fait se succéder trois temps quant à la position d’Oblomov : « l’homme couché - l’homme debout - l’homme flottant ». Le rythme, assez lent pour le moins, rend bien au spectateur son lambinage ankylosé.
Un jeu sensible et drôle à la fois, où l’on retrouve notamment l’énergie de Guillaume Gallienne, cachée, grimée sous la léthargie de son personnage.


Oblomov est-il cet enfant dont les peurs sont plus fortes que l’énergie, ou dont les rêves sont plus doux que la réalité, et qui reste immobile pour ne pas souffrir (ce à quoi il ne parvient pas d’ailleurs)?

Ou bien est-il un prototype du bobo de l’hyperclasse inconscient des rapports de classes, la figure usée du propriétaire terrien parasite et fainéant, de l’aristocrate sans noblesse, dénué d’utilité sociale, seul hors du principe de réalité, dans une société tsariste encore féodale par les titres, mais en mutation latente?



Reprises :
1er-2 octobre 2014 - Théâtre d’Angoulême / www.theatre-angouleme.org
4 octobre 2014 - Théâtre de Saint-Maur / www.theatresaintmaur.com
8-9 octobre 2014 - Théâtre du Vellein (Villefontaine) / www.capi-agglo.fr
11 octobre 2014 - Grimaldi Forum (Monaco) / www.tpgmonaco.mc
14 octobre 2014 - Théâtre de Corbeil-Essonnes / www.theatre-corbeil-essonnes.fr
16 octobre 2014 - Th. Alexandre Dumas (St-Germain-en-Laye) / www.tad-saintgermainenlaye.fr
18 octobre 2014 - Figuier Blanc (Argenteuil) / http://www.argenteuil.fr/401-le-figuier-blanc.htm
22-23-24-25 octobre 2014 - Odyssud (Blagnac) / www.odyssud.com
28-29 octobre 2014 - Théâtre de Beausobre (Morges, Suisse) / www.beausobre.ch
3-4 novembre 2014 - Maison de la Culture (Amiens) / www.maisondelaculture-amiens.com
6 novembre 2014 - Théâtre Edwige Feuillère (Vesoul) / www.theatre-edwige-feuillere.fr
8-9 novembre 2014 - Opéra de Vichy / http://www.ville-vichy.fr/opera-vichy.htm
12-13 novembre 2014 - Le Colisée (Roubaix) / www.coliseeroubaix.com
15 novembre 2014 - Théâtre des Sablons (Neuilly-sur-Seine) / www.theatredessablons.com
18-19-20 novembre 2014 - Théâtre de Nîmes / www.theatredenimes.com
23 novembre 2014 - Centre Culturel Jacques Duhamel (Vitre) / www.mairie-vitre.com
25-26 novembre 2014 - Théâtre Anne de Bretagne (Vannes) / www.theatre-tab-vannes.com
28 novembre 2014 - Théâtre de Chartres / www.theatredechartres.fr
1er décembre 2014 - Théâtre de Douai / www.ville-douai.fr
6-7 décembre 2014 - Anthéa Antipolis Théâtre d’Antibes / http://www.anthea-antibes.fr/fr
10-11-12-13-14 décembre 2014 - Célestins – Théâtre de Lyon / http://www.celestins-lyon.org
16 décembre 2014 - Centre Culturel de Taverny / www.ville-taverny.fr
18-19 décembre 2014 - Le Grand Angle / www.le-grand-angle.fr

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